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Jean-Marc Laherrère

...Dans ce magnifique roman, Patrick Pécherot prend complètement le lecteur à contre-pied. On s’attend à une nouvelle histoire de casse, avec préparation minutieuse, contretemps de dernière minute, puis le coup, et ses conséquences (sans doute négative, on est quand même dans un roman noir) et on se retrouve avec un roman social, et un portrait groupe avec braquage. L’enquête et le suspense arrivent petit à petit, là où on ne les attend pas, dans la recherche apparemment secondaire du passé d’un défunt. Les personnages que l’on s’attend à haïr ou à mépriser se révèlent touchants. Tous sont saisis dans leur malheur, leurs défauts, leur bêtise parfois, mais surtout leur profonde humanité. Aucun n’est angélique, aucun n’est exonéré de ses fautes, des catastrophes qu’il provoque, tous sont compris. Derrière le quatuor, donnant son relief et sa couleur au roman, il y a tous les seconds rôles, tous aussi soignés et aimés que les braqueurs. Que ce soit le vieux boxeur à moitié sonné, les patrons du restau ouvrier qui se met à renaître, les papis, miraculés, qui sortent de nouveau de leur mouroir ... ou la jeune journaliste stagiaire, et le vieux copain un peu casse-bonbons mais tellement fidèle et tellement dévoué. Tous sont justes, tous sont beaux, tous sont émouvants. Et puis il y a la nostalgie, les sons, les odeurs de l’enfance qui reviennent. Plus loin encore dans le passé, une France qui traitait déjà ses immigrés comme du bétail, variable d’ajustement d’une économie qui prend les hommes quand elle en a besoin et les jette quand ils ont tout donné. Une France qui parlait des Polonais comme elle parle aujourd’hui des racailles de banlieues qu’il faut nettoyer au kärcher. Il y a tout cela dans ce superbe roman.

© Jean-Marc Laherrère, 813