Mortels du Nord
Enfant de Courbevoie, écolier à Puteaux, Patrick Pécherot est l’un des écrivains nécessaires au polar moderne. Après des détours sur les chemins du Paris popu d’autrefois, il revient avec un roman du contraste contemporain : noir comme le soleil, lumineux comme un regret.
Contrairement à Terminus nuit, ce Soleil noir ne se lève pas sur notre boucle de Seine mais aux marches de notre monde post-industriel, dans ce Nord où il y avait des corons, mais il n’y en a plus. Où il n’y a d’ailleurs plus grand-chose si ce n’est les souvenirs, la maison d’enfance du narrateur et la mémoire des immigrés polonais. Une zone de rien traversée par la route, sur laquelle, tous les jours, des convoyeurs de fonds convoient des fonds, jusqu’à la grève inattendue... Il n’en faut pas plus pour faire tourner la machine du polar, le redoutable engrenage du pire et du rire, comme dans les meilleurs films des frères Coen. Avec le style Pécherot, détonante chimie de modernité et de gouaille d’antan - un don peut-être de l’Arletty de Courbevoie... « Quand les dés sont jetés, il faut les boire. » Pendant le temps suspendu aux revendications syndicales, le no man’s land frémit autour d’un bistrot - torchon rouge à damier, pichet facile, bourguignon fumant - exactement comme dans nos souvenirs mais qu’on croyait avoir oublié. Ce roman, c’est ’histoire d’une résurrection malgré tout, le paradis pavé de mauvaises intentions. Une sacrée galerie de personnages aussi : vieillards indignes en permission de mouroir, artisan maçon au bord du ravalement, fantôme d’adolescente aux pommettes slaves...et un fabuleux bloc d’ombre et de rap, surgi de la cité en capuche, branché clip et processeur. On savait que le polar est l’héritier du roman social. Pécherot va plus loin : il nous donne un fragment de sa recherche du temps gâché.