Le sang des cerises
Depuis une vingtaine d’années, Patrick Pécherot évoque avec un grand talent notre histoire contemporaine, mêlant habilement une fiction qui s’enroule adroitement autour de personnages, connus ou inconnus, qui ont réellement existe. Au début de ce roman, l’on découvre Marceau, l’esprit brouillé, qui semble reconnaître, dans un des premiers films, son ami Dana, qui partagea avec lui les plus beaux et pire moments de la Commune de Paris, en 1871.
Marceau, peut-être pour donner –redonner – un sens à sa vie, va se lancer dans une quête insensée : retrouver l’homme dont on ne voit que les mains dans une copie du premier western du cinéma. L’ex-communard tentera alors de retrouver les amis avec qui il vécut une belle utopie, quelques moments de bonheur et de rêve, et surtout de cruelles désillusions qui s’achevèrent sur la Semaine sanglante.
Les humbles et les oubliés, mais aussi quelques artistes, Courbet, Verlaine, qui ont soutenu l’insurrection. Marceau va ainsi replonger dans ses souvenirs, bien confus, mais aussi découvrir, jusqu’aux Etats-Unis des êtres humains, hommes et femmes, qui partagent les mêmes idéaux et qui, par des chemins bien différents, essaieront de leur donner un sens.
Dans ce très beau roman, la vérité est multiple, aussi bien dans les têtes des personnages que dans les clichés qui immortaliseront les évènements et les acteurs de cette période curieusement oubliée, occultée de notre histoire. L’écrivain français, d’une plume tout en finesse et en tendresse, ressuscite ici une époque où les rêves fleurissaient sur les trottoirs de Paris tout aussi bien que dans les grands espaces de l’Ouest américain. Construit en une multitude de tableaux, chapitres très courts, ce récit nous livre des bribes d’espoir, de luttes, d’aventures, esquisse des scènes que l’on imagine bien sur des photos écornées, froissées, à moitié effacées. Nous suivons ainsi quelques fantômes, quelques ombres, dans une histoire nullement hagiographique, ni militante, mais totalement et terriblement humaine. Les rêves s’envolent, la folie des hommes reste. Le poète et le peintre continuent à côtoyer les muses, les héros du Far West deviennent des personnages de cirque, les cerises trop chantées, trop célèbres, éclateront en flaques de sang qui imprègnent encore quelque coin de trottoir.
Rimbaud écrit dans O saisons, ô châteaux : « Que comprendre à ma parole ? Il faut qu’elle fuie et vole ! ». Les vers du poète, dont l’ombre plane sur la prose de Patrick Pécherot, définissent parfaitement ce bel ouvrage.
L’Union
{Une Plaie ouverte}, la folle traque d’un Communard jusqu’au Far West
Patrick Pécherot, c’est d’abord une plume remarquable. Capable en quelques lignes de nous plonger dans la France d’autrefois, celle de 14-18 (Tranchecaille, 2009) ou des Années folles (Les Brouillards de la Butte, 2001, Grand prix de littérature policière), d’en saisir l’atmosphère, un beau style classique dynamité par des élans gouailleurs savoureux. Voilà pour la forme. Et le fond ? Chez Pécherot, on entend souvent des voix discordantes, celles des petites gens qui n’ont pas voie au chapitre, qui tentent de sortir de leurs conditions et se révoltent contre l’inacceptable, les mécanismes collectifs qui broient. Rien de manichéen cependant chez Pécherot qui, c’est heureux, écrit « en gris » avec des protagonistes ambivalents, brumeux, partis sans laisser trop de traces. Dans Une Plaie ouverte, paru le mois dernier à la Série Noire, Pécherot nous trimballe des barricades parisiennes de la Commune, en 1870, jusqu’au Far West. Une histoire de traque XXL d’un mystérieux Communard, Dana, en fuite car condamné à mort, par un de ses anciens camarades de barricades Marceau qui, trente après la guerre franco-prussienne, a cru le reconnaître parmi les figurants du premier western de l’histoire du cinéma. Le souvenir de Dana va hanter Marceau jusqu’à l’obsession. D’une page à l’autre, on croise Courbet, Verlaine ou encore le spectre de Calamity Jane - « Elle est tombée mille fois raide dans la sciure à crachat des planchers de bars, les coins sombres et la gadoue des rues. Jusqu’à ce que sa soif de bière, de whiskey, de ratafia et tout ce qu’un alambic peut distiller se change en remontées de bile et en reflux gastriques. » Au travers de la quête hallucinée et parfois cauchemardesque de Dana, le lecteur peut aussi se poser une question : s’engager pour quelque chose, ça veut dire quoi ?
La Marseillaise
Dana, t’es où ? Pour les soixante-dix ans de la Série Noire, Patrick Pécherot est au zénith de son talent.
Le premier juin 1871, Valentin Louis Eugène Dana est condamné à mort par contumace. Une photographie, prise à Paris cette année-là, nous le montre jeune et de belle tournure. Que sait-on de lui au début de Une plaie ouverte ? Rien, sinon qu’il aurait traversé l’Atlantique et rejoint le Wild West Show de Bill Cody, ses "roulottes aux longueurs de péniches, wagons casinos, chariots charges de décors, de gradins, de toiles, de cordages, de cages, de bêtes, de fourrage, de viande séchée, de tonneaux d’alcool et de barils de poudre. " Mais trop de preuves manquent. Pourquoi l’insomniaque Marceau (accro au laudanum) le cherche-t-il ? Pourquoi Dana a-t-il tué ce passant indigné du massacre des otages de la rue Haxo ? Est-ce bien lui le coupable et a-t-il vraiment retroussé ses manches lorsque l’heure de la Commune a sonné ? A-t-il combattu avec les armes pour que la terre soit enfin "au paysan qui la cultive, la mine au mineur qui l’exploite, l’usine à l’ouvrier qui la fait prospérer" ? A-t-il seulement existé ? Ou n’est-il qu’une chimère créée pour fuir sa propre réalité ?Défiant les contraintes de la narration et n’en faisant - c’est tant mieux - qu’à sa plume, comme on n’en fait qu’à sa tête, Patrick Pécherot, l’inoubliable auteur de Tranchecaille et de Petit éloge des coins de rue, nous rappelle (les poings tendus et d’une écriture qui n’appartient qu’à lui, parce que reconnaissable entre toutes) le temps des cerises, du gai rossignol et du merle moqueur. Défilent alors devant nos yeux, aux côtés des éclopés et amputés de la défaite de Sedan, les personnages (réels ou fictifs) qui ont gravé leur nom dans le marbre des barricades, des statues déboulonnées, et des fusillades dans Paris. Pour ne citer que Courbet, le "maître à l’odeur de soufre et de lit défait", dont les toiles choquent les bourgeois. Vallès et son chapeau en tuyau d’orgue. Verlaine titubant d’ivresse. Louise Michel, toujours prête à libérer le peuple de l’ignorance. Et, bien entendu, Marceau, l’halluciné, qu’obsèdent la disparition de Rimbaud, les chairs tuméfiées des forçats. Marceau dans la tête duquel, des années plus tard, le cinéma (qui commence à donner essor à son imagination) ne cessera de tourner. Un roman, aux courts chapitres, telles les images rapides et fuyantes des écrans du muet, mais dont la minutie des détails concourt à la recherche de la description exacte. Une fiction rare, écrite par un romancier à la muse jamais appauvrie. Personne ne la lira avec indifférence. Elle comptera parmi les œuvres les plus abouties de la brillante carrière de son auteur. À quand le prochain livre ? Nous nous impatientons déjà.
Liberté
Retour à la Commune
Patrick Pécherot tantôt sous la casaque noire tantôt sous la casaque blanche réussit parfaitement, depuis une dizaine de romans, l’hybridation entre polar et roman historique. C’est la force de la littérature populaire et du mauvais genre de pouvoir tout se permettre en la matière. Naguère pour évoquer le Paris d’entre les deux guerres mondiales il avait choisi des intrigues fouillées pour nous les milieux libertaires et surréalistes des années 20 dans Les Brouillards de la Butte. Dans Une plaie ouverte son dernier roman, Pécherot nous ramène à la Commune par des chemins détournés puisque cela commence au début du XXème siècle, aux Etats Unis dans le sillage du Buffalo Bill’s Wild West Show. Buffalo Bill, de son vrai nom Bill Cody avait assez vite compris que la légende de l’Ouest était terminée et qu’il était temps d’en faire un spectacle pour les petits et les grands.
Dans les coulisses un agent de la Pinkerton enquête pour le compte d un commanditaire français. II recherche un certain Dana qui aurait participé a la Commune de Paris il y a plus de trente ans Ce Dana, habile de ses mains comme un prestidigitateur et qui fuit obstinément les objectifs des premiers appareils photos existe-t-il vraiment ? Pécherot nous fait ensuite revenir a la période de la Commune. Marceau fait partie d’une bande qui réunit au moment de la guerre de 70 une faune variée. II y a ce jeune voyou androgyne crasseux et lumineux dont on apprendra qu’il s appelle Rimbaud II y a des généraux qui ont tout de têtes brûlées espérant un monde meilleur, comme Cluseret. On croise aussi, à la pension Laveur ou dans le restaurant coopératif d Eugene Varlin, Courbet qui ne va pas tarder à faire mettre bas la colonne Vendôme. Parfois ils sont rejoints par Verlaine, toujours entre deux absinthes, poète et employé municipal en compagnie d’un collègue, un certain Amédée. Au fur et à mesure que la Commune perd du terrain et ce jusqu’à la semaine sanglante de mai 71, la bande se perd de vue. Devant les massacres versaillais, le gouvernement provisoire, en désespoir de cause puisqu’il avait aboli la peine de mort, fait fusiller des otages rue Haxo Parmi eux, le pauvre Amédée qui n’était coupable de rien. Marceau survit, lui, à la semaine sanglante et enquête dans le Paris de 1898 où, après la loi d amnistie, d’anciens communards devenus flics traquent d’anciens communards soupçonnés d aider les anarchistes comme Ravachol qui veulent faire sauter l’Assemblée Nationale. Drogué au laudanum alors que se jouent les prémices de l’affaire Dreyfus, Marceau poursuit sa quête obsessionnelle de Dana. Bien sûr dans les méandres du temps, les apparences sont trompeuses…
Pécherot, qui n’a jamais aussi bien écrit, à coup de phrases courtes, entêtantes, qui scandent la mélancolie du temps qui passe et des rendez-vous ratés de I histoire et de I’émancipation, nous promène, à tous les sens du terme, des grands espaces de I Ouest américain aux dernières barricades de la Commune en passant par le Paris fin de Siècle. Et l’on finit par réciter les vers du jeune homme aux semelles de vents dans un saloon tandis que Courbet peint le sexe d’une femme, que Louise Michel encore institutrice apprend à lire a la future madame Verlaine et que I’on peut retrouver sur les premiers westerns documentaires américains aux images tressautantes, importés par Pathé la silhouette d’un ami qui a trahi, d un amour perdu, d un idéal envolé.
Transfuge
Fleuves impassibles
Le roman s’ouvre à l’aube du XXème siècle, au cœur du Nouveau Monde. Les dernières flèches indiennes ont à peine fini de siffler que déjà l’Amérique invente le Wild West show. Dans le décor en carton-pâte erre le mystérieux Dana. A ses trousses, un détective privé. Quelque part à Paris, le vieux Marceau, malade des vapeurs d’alcool et de laudanum, est obsédé par l’idée de retrouver ce fantôme de la Commune. Marceau accuse Dana d’avoir déserté Paris avec le cœur de la femme qu’il aimait et sur la conscience la vie d’un innocent. De page de prose en page de prose, l’intrigue se met en place avec la torpeur d’un spleen – savoureux à l’heure des thrillers et des polars rondement menés. En lisant les rapports du détective américain, Marceau égrène ses souvenirs. Que retient-on du Paris de 1871, sinon nos lectures lycéennes, les barricades d’Hugo ? A mille lieues des images d’Epinal, Paris sous la Commune. S’y jouent l’avancée ou le recul de la République, s’y peint le visage du siècle industriel, s’y exerce un esprit français, zutiste, intellectuel. S’y croisent Gill, Courbet, Louise Michel, Verlaine, Rimbaud, Carjat. Ils sont bourreaux, victimes, poètes, va-t-en-guerre ou velléitaires, spirites amateurs ou voleurs de feu. Le mystère, l’Histoire et la poésie s’imbriquent, la mémoire et le présent valsent mélancoliquement, et Paris, toujours, est belle à pleurer sous la plume de Pécherot. Incantatoire, savant, sublime, Une plaie ouverte fait du roman noir un bateau ivre à remonter le temps.
Paris Normandie
Patrick Pécherot est un maître des atmosphères, il est l’auteur d’une dizaine de romans, des [Brouillards de la Butte] (grand prix de la littérature policière 2002) à [L’homme à la carabine] (2011) en passant par [Tranchecaille], hautement recommandable, polar dans les tranchées de 1917 qui reçu le prix « 813 » du meilleur roman noir francophone en 2009. Il est aussi le créateur d’une trilogie sur le Paris populaire de l’entre-deux-guerres qui fut suivie de [Soleil noir en 2007].
Brouillant les codes traditionnels du roman policier, il n’a pas d’égal pour restituer les ambiances et le climat de cette turbulente fin de siècle, de part et d’autre de l’Atlantique, qui suit le sanglant épisode de la Commune de Paris. Dans une douce et belle mélancolie, il rend à chacun de ses personnages la complexité, les troubles et les paradoxes qui les animent.
[Une plaie ouverte] se situe « dans les spectres de l’Histoire », pistant les traces fantomatiques d’un homme énigmatique, le personnage principal : Marceau, en quête de l’impossible, à la recherche de ses propres souvenirs, d’une jeunesse lointaine et perdue, des traces d’un passé qui s’estompe jusqu’à en devenir à son tour spectral.
C’est un formidable roman de la mémoire et de l’effacement des traces historiques. N’hésitez pas, vous aussi, partez à la recherche de Dana et vous serez surpris de voir à ses côtés ceux qui auront marqué cette époque convulsive.
L’Echo
L’histoire commence en 1905 aux États-Unis. L’agence de détectives Pinkerton a chargé l’agent Velmont de retrouver Dana, un Français exilé aux Amériques depuis de nombreuses années. Le dossier est vide, les renseignements dérisoires et les indices insignifiants. Sa seule piste se réduit à un vague soupçon de son passage au Wild West Show, sorte de spectacle itinérant qui retrace les péripéties de la conquête de l’Ouest. Sur les traces de Dana, Velmont côtoiera quelques personnages du Far West tels que Buffalo Bill, le tueur de bisons, la peu vertueuse Calamity Jane, et quelques autres tout aussi célèbres. Mais Dana restera introuvable. En réalité, l’histoire commence une trentaine d’années plus tôt, en 1871. Après la chute de Paris assiégé par les armées prussiennes, la résistance s’organise et l’insurrection de la population parisienne aboutira à la proclamation de la Commune de Paris. C’est dans cette effervescence anarchique qu’on fait connaissance avec le casting d’enfer de ce polar atypique. Outre Dana et son compagnon de barricades Marceau, on va croiser Jules Vallès, Verlaine, Louise Michel, Pathé, Courbet et Manon, son modèle qui aurait posé pour son tableau L’Origine du monde, et d’autres, beaucoup d’autres. L’histoire se termine avec l’arrivée à Paris du Wild West Show, et se conclut par un coup de théâtre déstabilisant. La boucle est bouclée. À cette époque de reniements idéologiques, une piqûre de rappel salutaire sur l’histoire de la Commune et son idéalisme ; le temps des cerises ne dure pas longtemps, mais il revient tous les ans.
Télérama.fr Le cercle polar
Avec Patrick Pécherot, on a pris l’habitude de se promener dans l’histoire. Pas forcément la grande, la majuscule, plutôt celle des insurgés, des coins de rue, des petites gens. L’auteur de Tranchecaille et des Brouillards de la Butte a la mémoire longue, il aime les traces sur le pavé, les clichés sépia et des écrivains comme Jean Meckert ou Léo Malet dont il rappelle l’importance. Aujourd’hui, il l’avoue clairement dans son nouveau livre, Une plaie ouverte, il affectionne également le western et provoque la rencontre d’un Communard de 1871 avec l’Amérique de Buffalo Bill, Calamity Jane et le Wild West Show. On file ainsi, avec un certain Valentin Dana et son ancien ami Marceau, des faubourgs parisiens aux routes du Dakota du Sud en compagnie d’une poignée d’indiens habillés pour une cérémonie. Une plaie ouverte n’est pas un roman historique, ni une enquête ou un voyage, mais un peu tout cela. On y croise un enquêteur de l’agence Pinkerton, les otages de la rue Haxo, des barricades, des femmes qui tirent à la carabine, d’autres qui pleurent leur fils perdu. On y voit le peintre Courbet, Verlaine et l’ombre de Gérard de Nerval mais aussi des personnages imaginaires fouillant le passé en quête de leur jeunesse et de leurs idéaux. Pas de nostalgie dans ce beau livre mais une mélancolie douce comme une chanson, celle du Temps des Cerises, qu’on fredonne inconsciemment.
Marianne
Plaie d’argent devient mortelle
Une plaie ouverte pourrait être une bonne définition de l’histoire. Surtout quand elle s’écrit en marge des manuels officiels, de leurs événements en majuscules et sans faux plis, de leurs grands hommes canonisés à coups de clairon, de remises de médailles et de beaucoup de mensonges. En somme celle, trop occultée, des sans-grade, des dérangeurs d’ordre, des pauvres hères ou des aventuriers aux semelles de vent que Patrick Pécherot s’évertue à mettre en première ligne depuis une dizaine de livres, situés notamment dans le Paris de la Première Guerre mondiale ou d’entre les deux guerres.
Cette fois, il remonte plus loin dans le temps et l’espace et embarque ses personnages du Paris de la guerre franco-prussienne de 1870 vers les plaines du Dakota et le tout début de l’autre siècle, en 1905. N’appartenant pas stricto sensu à la confrérie des historiens, Patrick Pécherot livre bien ici une œuvre de romancier et plus précisément de romancier noir, du genre à douter des apparences et à fouiller dans cette autre « plaie ouverte » que demeure tout individu en âge de faire potentiellement du mal, de renier ses idéaux et éventuellement ses frères d’armes. Serait-ce le portrait vrai de Dana, ce fantôme que poursuit jusqu’outre-Atlantique Marceau, ancien communard, obsédé par celui qui n’est peut-être qu’une « image, rien de plus », écrit Pécherot, citant Nerval ?
La quête de Marceau est bien celle propre à un polar, au point qu’elle fait même intervenir les limiers de la célèbre agence de détectives Pinkerton pour laquelle travailla le grand Dashiell Hammett avant de prendre son envol. Mais, dans les filets, Pécherot rapporte surtout une époque, ses héros ordinaires fauchés par la boucherie guerrière, ses généraux défenseurs du peuple, ses insurgés et ses planqués. Ou encore, saisis dans le cours de leurs vies, Courbet, Louise Michel, Maxime Vuillaume, Jules Vallès, les silhouettes de Verlaine et Rimbaud. Et l’ombre portée de l’affaire Dreyfus. Au récit ample et tellurique que supportait le sujet, il a préféré de courtes expositions, rarement plus de deux pages, mais toutes ciselées à la quasi-perfection.
En clair : depuis Hervé Le Corre, rien n’avait été aussi superbement écrit dans la fiction de genre hexagonale. On sait ce qu’il advint de la Commune,« des cerises d’amour tombées en gouttes de sang ». Ne serait-ce que pour connaître, peut-être, l’issue de la recherche du Dana perdu, voilà une lecture obligatoire. .