Vous avez travaillé comment ?
Jeff avait envie d’un road movie, d’un road bédé devrait-on dire. Il avait l’idée d’un type qui part dans une autre dimension, mais il ne savait pas trop quoi en faire. A partir de là, j’ai écrit une histoire. Un polar décalé. Le résultat a plu à Jeff. Il a travaillé à un story board qui le déclinait en images. Ensuite, on a bossé ensemble pour finaliser le découpage. Et Jeff s’est attelé aux planches. Tout s’est réparti naturellement. J’ai bossé l’intrigue et les dialogues. Jeff a traduit le texte avec sa sensibilité. Il lui a imprimé le rythme bédé. Il a donné aux personnages le visage qu’il sentait. Sans oublier tout son travail sur les couleurs : peinture, infographie... Peu de gens font ça.
Le début de l’histoire se passe à Toulouse, c’est dû à Jeff qui est toulousain ?
Toulouse est dû effectivement à Jeff qui y a vécu. A l’autre bout de l’aventure, j’ai choisi le Nord. Une région qui n’est pas la mienne mais pour laquelle j’ai un énorme coup de cœur. A cause de sa mémoire ouvrière, de ses habitants, de son ciel si bas que les canaux se perdent comme chantait Brel, des villes flamandes, des estaminets, des terrils, de la Belgique voisine avec ses brumes chères à Jean Ray, ses surréalistes, Simenon, la bédé... Je continue ?
Le Lotus bleu, le masque de Haddock... beaucoup d’allusions à Hergé, c’est un de vos maîtres en BD ?
Comme Franquin. Lu et relu, quand j’étais môme, ado, adulte, aujourd’hui, demain... Cela va bien au delà du style, celui de Jeff est d’ailleurs très éloigné de la ligne claire. Ca touche à l’intime. En raison de ces références à Tintin, nous avons dû demander l’autorisation de la Fondation Hergé. Quand Casterman nous l’a annoncé, j’étais persuadé que l’album ne sortirait jamais. Jeff est parti à Bruxelles avec les planches. Là bas, ils ont aimé et, quelque temps après, on a eu le feu vert de madame Hergé. C’est après l’impression des albums qu’on s’est aperçu que la mention avec le soutien de la fondation Hergé ne figurait pas. Ca aurait pu être la cata. Ils ont été très chouettes. Ils ont autorisé la sortie en l’état.
Extrait de propos recueillis par Christophe Dupuis pour l’Ours Polar