– La méthode à Félix
On ne peut qu’avoir un a priori positif sur un roman ouvert par un extrait de la chanson Feel like going home du chanteur country Charlie Rich. Surtout si l’auteur de ce surprenant Soleil noir s’avère déjà responsable de quelques volumes remarqués en « Série noire », dont Boulevard des branques (2005) ou Belleville-Barcelone (2003) qui ressort en « Folio policier ».
Le héros de Patrick Pécherot est un certain Félix, chômeur de cinquante ans qui passe le plus gros de son temps à enchaîner les bières au comptoir d’un bistrot où il fraye avec une assemblée de bras cassés, d’oiseaux mazoutés et de baleines échouées sur le sable. Le voici pourtant seul héritier de la petite maison de son oncle avec les murs et leurs photos, le dessus de cheminée avec ses napperons, le râtelier à pipes. Ladite maison se trouve dans une rue de banlieue désolée et peu fréquentée. Une rue pourtant empruntée tous les jours à neuf heures dix par un fourgon blindé. Alors, pourquoi ne pas le braquer, ce fourgon, se dit un Félix pouvant compter sur l’aide de Simon, « truand à idées » et expert dans l’art d’éviter de travailler ; du taciturne Manu, ancien boxeur mis KO par les babies ; du jeune Brandon à qui la mesure est étrangère et qui va « direct à l’extrême » ; et de Zamponi dont l’entreprise de maçonnerie servira idéalement de couverture.
Avant de se lancer à l’assaut, la fine équipe dispose de deux semaines pour se fondre dans le décor...Le lecteur se croyant parti pour un thriller haletant et huilé se met le doigt dans l’œil. Patrick Pécherot ne mange pas de ce pain-là, préférant à raison miser sur l’ambiance, la gouaille, la nostalgie du tabac gris et des wagons Sprague. Polar social à l’ancienne, Soleil noir lorgne agréablement du côté d’Audiard et de Boudard.
© Alexandre Fillon, Livres Hebdo