Le polar des tranchées
Né à Courbevoie où il vit toujours aujourd’hui, Patrick Pécherot est l’un des auteurs qui renouvellent la fameuse Série Noire. Il monte au front cet automne avec Tranchecaille, un polar au Chemin des Dames.
Quand on lui demande ce qui lui a pris de passer ces mois d’écriture dans la boue des tranchées, Patrick Pécherot répond qu’il y pense depuis longtemps : « La guerre de 14 fait partie de mes fondamentaux ! Comme beaucoup, il y a une histoire familiale. Chez nous, c’était un grand oncle venu du Montenegro se battre en France. Le Montenegro, je ne savais pas où c’était, et j’ai longtemps cru enfant que l’oncle était un tirailleur africain... »
Le surnom de Tranchecaille, celui du personnage autour duquel tout gravite, il l’a repéré dans l’argot des poilus : "Tranchecaille, ça vient de tranche-gaye, l’ancêtre de notre « tranche de cake », mais c’est aussi la tranchée. » Tranchecaille donc, c’est Jonas, un soldat accusé du meurtre d’un officier, dont on ne sait pas si c’est le pauvre gars au mauvais endroit au mauvais moment, ou bien quelqu’un de beaucoup plus trouble.
Loin du roman historique, il s’agit bien d’un polar noir. Avec enquête - de police militaire, ce qui modifie pas mal les codes et les enjeux du genre. Et du noir de boue, parce que 1917, le Chemin des Dames, les gaz, les obus, la peur et la baïonnette au ventre. Le livre est construit à rebours et presque entièrement en dialogues, témoignages, interrogatoires : « Une façon de redonner à chacun sa voix, à une époque où les parlers étaient beaucoup plus différenciés qu’aujourd’hui. » De temps en temps, travelling sur l’enfer, un chapitre glacial, inhumain : on recommande entre autre le panoramique hallucinant sur le sarment de vigne... Au-delà de la vérité des dialogues, drôles souvent, héritage peut-être d’une certaine gouaille de banlieue parisienne, il y a le sens de la formule dont Pécherot a le secret, ces bonheurs - si l’on ose dire - d’écriture qui vous saisissent au vol au beau milieu d’un bombardement : "C’est la nuit des temps qui tombe."
© Didier Lamare, Hauts de Seine Magazine