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Alexandre Fillon

 Le perdant magnifique

Patrick Pécherot retrace la vie d’André Soudy, membre de la bande à Bonnot, et son épopée tragique dans la France du début du XXe siècle
A bord d’une Delaunay-Belleville ou d’une De Dion-Bouton quatorze chevaux filant à pleins gaz, une poignée de bandits partaient faire des hold-up. Personne n’a oublié les méfaits de la bande à Jules Bonnot. Un petit homme d’un mètre cinquante-neuf dont le cœur ne jouait jamais le tambour, même quand il tenait un calibre à la main. Autour de lui, on croisait alors Octave qui ne craignait personne ; Valet, rêveur, capable de rester seul des jours, ou Raymond la Science, surnommé ainsi parce qu’il ramenait à tout propos celle qu’il s’était forgé seul. Tous étaient des libertaires, des réfractaires, des insoumis qui voulaient changer la vie, même au risque de perdre la leur.
Patrick Pécherot a choisi de consacrer une belle « esquisse » à l’un d’entre eux. André SOudy, tour à tour « l’homme à la carabine », « l’innocent du monde », ou « Bécamelle », né le 21 février 1892 à Beaugency, Loiret. Il n’avait pas vingt ans et un cœur d’artichaut, on l’appelait encore le « môme ». Ancien « garçon épicier » à Orléans, il s’était fait « coffrer » pour avoir « outragé », et ensuite « serrer » après un vol de sardines. Un poisson « très con » à ses yeux puisqu’il faut « en tenir une couche pour nager en bancs et mourir en boîte » !
L’auteur des Brouillards de la Butte (Folio Policier) et de Boulevard des Branques (Folio Policier) parvient à montrer toutes les facettes d’un perdant magnifique, maigre et pâle dans son grand manteau, qui souffrait d’hémoptysie. En chemin, le lecteur croisera également Arletty, Henri Calet, Georges Brassens, Victor Serge ou Louis Aragon qui immortalisa Soudy dans Les cloches de Bâle. L’aventure, on le sait peut-être, devait s’arrêter net le 21 avril 1913. Lorsque Soudy, condamné à mort par ceux qu’il nommait « les représentants de la vindicte sociale dénommée justice », fut guillotiné. Il n’avait pourtant jamais tué personne avec la Winchester dont il se servait pour tenir la foule en respect. Le fameux bourreau Anatole Deibler opéra à l’aube, boulevard Arago, devant la prison de la Santé.

© Alexandre Fillon, Lire