– Graine d’ananar
"De noir vêtu, en chapeau melon, tu sembles peint par Magritte. Ceci n’est pas un bandit." La photo est en noir et blanc, le pardessus flotte, trop large pour les maigres épaules. Quand ses poumons de tubard crachaient du sang, André Soudy était un peu à la remorque dans la bande à Jules Bonnot. Alors, "poucet fiévreux, semant des vannes comme des petits cailloux", il suivait, vaille que vaille, toussait, rigolait. La vie est trop chienne pour les traîne-misère de son acabit. Alors mort à la veuve, vive l’anarchie !
Un siècle plus tard, Patrick Pécherot prend la trace de ce gamin malingre, fier de la Winchester qu’il braque sur la foule avant de tirer dans les nuages. Au vrai roman, il préfère l’évocation, l’esquisse, les séquences courtes, cinématographiques, pour dire la geste tragique d’un paumé, d’un "innocent du monde". Pour dire une époque aussi, drôle d’époque. Au banquet, il convoque les frères d’âme, Brassens, Ferré, Henri Calet ou Lavilliers. Le résultat est plus qu’attachant. Poignant, faussement désinvolte, puis rageur, poétique. André Soudy a été guillotiné le 7 juin 1913, à Paris.
© Michel Genson, Le Républicain Lorrain