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Philippe Blanchet

Patrick Pécherot aurait dû vivre un siècle plus tôt. Juste avant la der des ders et le Chemin des Dames, dans lesquels marnait il y a deux ans son roman noir Tranchecaille. A l’époque de Clemenceau. Des brigades du Tigre. Et bien sûr de la Bande à Bonnot à qui il consacre aujourd’hui cet étonnant ouvrage. Ni biographie, ni roman - encore moins polar -, L’homme à la carabine raconte, à travers un curieux collage littéraire, le destin du plus jeune des membres de la célèbre bande d’anars du début du vingtième siècle, André Soudy, ex-commis épicier et tubar promis à coup sûr à la guillotine de Deibler, boulevard Arago. Quelques photos d’époque du lascar, prises par les services de la Préfecture de Police, illustrent d’ailleurs le propos et lui donne une force inespérée. Mais ce portrait de jeune libertaire en gangster n’est pour l’auteur qu’un prétexte. Celui d’évoquer sans retenue (et avec une précision sémantique totalement maniaque !) les éléments d’une époque qui décidément le fascine au plus haut point. D’un bout à l’autre de ce récit éclaté, de toute beauté, Patrick Pécherot multiplie jusqu’au vertige les références. Ranime les fantômes des jeunes Henri Calet, Brassens, Arletty, Cendrars ou Vigo. Empile les œuvres de Proudhon, Kropotkine ou Stirner sur la table de chevet de squats végétariens de banlieue. Collectionne avec une lancinante érudition les détails d’une folle fresque comme on épingle des papillons, poussant le vice jusqu’à nous donner la carte du jour de chez Chartier (pommes à l’huile, jarret, poireaux vinaigrette). Soudain, alors, un sidérant film en noir et blanc se met à défiler...

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