L’Union

{Une Plaie ouverte}, la folle traque d’un Communard jusqu’au Far West

 Patrick Pécherot, c’est d’abord une plume remarquable. Capable en quelques lignes de nous plonger dans la France d’autrefois, celle de 14-18 (Tranchecaille, 2009) ou des Années folles (Les Brouillards de la Butte, 2001, Grand prix de littérature policière), d’en saisir l’atmosphère, un beau style classique dynamité par des élans gouailleurs savoureux. Voilà pour la forme. Et le fond ? Chez Pécherot, on entend souvent des voix discordantes, celles des petites gens qui n’ont pas voie au chapitre, qui tentent de sortir de leurs conditions et se révoltent contre l’inacceptable, les mécanismes collectifs qui broient. Rien de manichéen cependant chez Pécherot qui, c’est heureux, écrit « en gris » avec des protagonistes ambivalents, brumeux, partis sans laisser trop de traces. Dans Une Plaie ouverte, paru le mois dernier à la Série Noire, Pécherot nous trimballe des barricades parisiennes de la Commune, en 1870, jusqu’au Far West. Une histoire de traque XXL d’un mystérieux Communard, Dana, en fuite car condamné à mort, par un de ses anciens camarades de barricades Marceau qui, trente après la guerre franco-prussienne, a cru le reconnaître parmi les figurants du premier western de l’histoire du cinéma. Le souvenir de Dana va hanter Marceau jusqu’à l’obsession. D’une page à l’autre, on croise Courbet, Verlaine ou encore le spectre de Calamity Jane - « Elle est tombée mille fois raide dans la sciure à crachat des planchers de bars, les coins sombres et la gadoue des rues. Jusqu’à ce que sa soif de bière, de whiskey, de ratafia et tout ce qu’un alambic peut distiller se change en remontées de bile et en reflux gastriques. » Au travers de la quête hallucinée et parfois cauchemardesque de Dana, le lecteur peut aussi se poser une question : s’engager pour quelque chose, ça veut dire quoi ?

Mathieu Livoreil