Secrets de fab.

Jeff :
Après les premiers albums qui étaient assez déjantés, j’avais envie d’ancrer l’histoire dans le réel et aussi de témoigner, avec un peu de nostalgie, de paysages urbains qui vont certainement disparaître

Patrick :
Les précédents albums mettaient en scène des univers décalés plus subjectifs. On a voulu changer de registre parce que la course au "déjantage " risquait de tourner au procédé.

Jeff :
Le décor de l’album est un personnage essentiel. C’est un peu un Montreuil réinventé. J’y habite depuis 10 ans. J’ai travaillé à partir de nombreux croquis ou photos réalisés dans le Bas-Montreuil mais aussi un peu partout. J’ai amalgamé des bouts pris ici et là. La boucherie par exemple s’inspire de celle qui se trouve en face du commissariat.

Patrick :
L’idée s’inspire d’un fait réel. Dans ma banlieue, Courbevoie, j’ai vu des commerces disparaître au profit d’une opération immobilière qui a avorté. Un terrain vague a fini par pousser sur le chantier abandonné. Pour le masquer, la municipalité a dressé des palissades sur lesquelles elle a fait peindre... les devantures des boutiques détruites. Dont la boucherie.

Jeff :
Montreuil a beaucoup évolué. On a pas mal détruit pour faire des nouveaux bâtiments. La population change. Dans mon quartier les petites maisons ouvrières sont encore préservées, mais j’ai l’impression que la
mixité, le côté village qui marquaient la ville sont menacés de disparition
lente. Et puis on construit des nouveaux quartiers de bureaux : les erreurs
d’urbanisme des années 60 n’auraient-elles servies à rien ? Tout cela a
influencé l’album.

On a travaillé un an et demi sur cet album. Puis j’ai passé un an sur la mise en place du dessin. Avec une difficulté : parvenir à un découpage fluide et
identifier plastiquement les deux niveaux de récit. Je crois y être parvenu par
le contraste des différentes harmonies de couleurs. Il y a un côté figuration libre avec ces couleurs fauves. Côté texte, je me suis permis d’intervenir sur la scansion des chansons rap. Mon côté musicien sans doute.

Patrick :
J’ai travaillé sur la diversité de langage. Le rap, l’argot, qui est une sorte de marque de fabrique, mais aussi le parler " jeune-banlieue " Les textes rap, c’est comme des BD sans images.

Extraits de propos recueillis par Pascal Famery pour Le Poivron, journal associatif de Montreuil.