Derrière le rideau de fleurs

Après la parution de Tiuraï, mon premier livre, dont l’action se passe àTahiti, l’organisateur d’un festival polar s’est excusé de ne pas m’avoir invité. « Tu comprends, on a pensé que pour te faire venir de là-bas, le billet ne devait pas être donné.  » Quelques mois plus tard, sur un stand où je dédicaçais, un journaliste qui avait vécu àPapeete est venu me parler de gens que j’y avais forcément connus. Je ne l’ai pas détrompé. Pourtant, je peux l’avouer, je n’ai jamais mis les pieds en Polynésie.

Tahiti, je m’en suis imprégné voilàdes années àtravers le nucléaire. C’est ce petit coin paradis que la France avait choisi pour y faire ses essais, sans se préoccuper de leurs conséquences sur les populations. A l’époque, je militais dans les mouvements pacifistes. J’y avais rencontré des personnalités préoccupées de la question, notamment maître De Félice, un avocat très investi dans la cause des droits de l’homme. Avec plusieurs de ses confrères, il avait défendu une dizaine de détenus tahitiens qui s’étaient mutinés pour réclamer l’arrêt des essais nucléaires. Une mutinerie très dure, avec mort d’hommes, répression violente... Les accusés avaient écopé de lourdes peines. Lorsqu’ils ont été rejugés en appel, je correspondais avec l’un d’eux, Immanuel, condamné àperpétuité. Le second procès a eu lieu devant la cour de Versailles. La défense a sollicité le témoignage de quelques personnes susceptibles de donner des prévenus une autre image que celle de leur dossier. Et de contribuer àl’éclairage politique de l’affaire. C’est ainsi que j’ai déposé aux assises. Les peines ont été considérablement diminué. Après avoir purgé la sienne en France, Immanuel est reparti àTahiti. Entre-temps, je l’avais suivi dans les différentes prisons où l’administration l’avait trimballé. Les grilles des centrales m’ont permis de connaître Tahiti bien mieux qu’un séjour au club Med.